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[Chroniques de l'Est] À chaque pays son surnom

Parce que les russes donnent eux aussi des petits surmons amusants.

Je ne suis ni linguiste ni professeur de langue, seulement un passionné qui aime apprendre et partager. Mes propos n’ont aucune valeur d’autorité ou de vérité absolue.

Comme tous les langues, le russe possède ses mots d’argot, plus ou moins désobligeants, pour parler des autres peuples. Le but de ce petit billet sera de donner les versions russes de nos « Bosches », « Rosbifs », « Rital » et autres « Ruskov ». Tous ces mots sont tirés de ce site d’argot russe (mais aussi d’autres langues).«  »

L’Union Soviétique

Ah, l’URSS (☭), le rassemblement de peuples amis sous un même objectif socialiste, où régnait l’amour et la bonne entente. Eh bien la langue russe prouve que ce n’était pas aussi rose que ça. :D

Déjà, le nom soviétique, écrit en russe standard советский (saviétskyi) se déforme en совковый (savkovii) ou совок (savok). Rien de bien méchant. Mais qu’en est-il de tous les autres peuples ? Eh bien chacun en prend pour son grade.

Les slaves

À l’ouest, les biélorusses (🇧🇾) se font traiter de бульбаш (boulbach), dérivé du mot biélorusse бульба (boulba) signifiant « pomme de terre », féculent répandu dans ce pays, notamment au début du XXème siècle. Mais ça reste gentil par rapport aux ukrainiens (🇺🇦). Plusieurs sobriquets leur sont en effet affublés.

L’un souvent utilisés par les russes pour décrier les ukrainiens nationalistes de l’ouest de l’Ukraine, souvent anti-russe, est celui de бандеровцы (banderovtsi), tiré du nom de Stepan Bandera, un ultra-nationaliste ukrainien ayant collaboré avec les nazis pendant la Seconde Guerre Mondiale et plus tard assassiné par le KGB. Ce personnage est controversé en Ukraine, certain le voyant comme un homme luttant pour une Ukraine indépendante, d’autres comme un fasciste allié aux nazis.

L’autre mot est celui de хохол (hrahrol), signifiant « houpette » et désignant, à l’origine celle des cosaques, par extension aujourd’hui les ukrainiens. L’Ukraine est de la même façon appelée Хохландия (hrahrlandia).

Enfin les moldaves (🇲🇩), et même les roumains (🇷🇴) également, sont appelés мамалыжники (mamalijniki) de par leur plat de polenta appelé mămăligă, qui est, au passage, délicieux. :)

Les baltes

Les pays baltes sont bien intégrés à l’Union Européenne, ce qui n’empêche pas qu’il y a 30 ans encore ils composaient trois des républiques de l’URSS. La langue russe est toujours répandue et donc les locaux comprennent la liste des mots que je vais détailler ci-dessous.

Les lettons (🇱🇻) et les lituaniens (🇱🇹), ayant des langues proches, sont gratifiés de deux surnoms russes proches, respectivement лабусы (laboussi) et лабасы (labassi). Ils sont tirés, toujours respectivement, du terme letton labus, accusatif pluriel de l’adjectif « labs » qui signifie « bon », et du terme lituanien labas signifiant « bon » (« labas rytas » signifie « bonjour », « labas vakaras » signifie « bonsoir »).

Mais ceux qui en prennent le plus cher pour leur grade sont les estoniens (🇪🇪). En argot, le verbe эстонить (èstonit) s’utilise dans le sens « être lent », « traînailler », à cause de la soi-disant réputation des estoniens d’être long à la détente. Réputation qu’on attribue, en France, aux antillais, aux corses ou aux suisses. On est tous le lent de quelqu’un. :D

Les termes de талапонец (talaponiets) et кураты (kourati) sont par contre plus méprisants, tous les deux venant des mots estoniens « talupoeg » et « kurat », le premier signifiant « paysan », le deuxième étant un juron.

Le Caucase

Le Caucase est une terre où les peuples ont souvent eu du mal à s’entendre entre eux et avec les russes. Je pense que les langues géorgienne, arménienne et azérie doivent contenir de bien beaux surnoms. Contentons-nous des russes.

Un surnom plutôt neutre pour les habitants d’Azerbaïdjan (🇦🇿) est азер (azier), qu’on peut rapprocher de ricains en français. Un autre, dont je ne peux dire la force, зерба (zierba).

Les arméniens (🇦🇲) se voient quant à eux affubler de surnoms plus péjoratifs, comme ара (ara), tiré de l’arménien « արա » qui se prononce pareil, et que équivaut à l’interpellation « hé » en français. Sachez également, et attention c’est insultant, qu’un des nombreux jurons pour insulter quelqu’un d’homosexuel passif consiste à le traiter de « reine arménienne », ce qui se dit Армянская Королева (armianskaya karaliéva). :-°

Pour finir, les russes utilisent des termes génériques pour démontrer leur mépris envers le Caucase, que ce soit le Caucase russe comme la Tchétchénie, ou les autres pays désormais indépendants. Ainsi, si le mot чех (tchiér) désigne à la base les tchèques avec un sens totalement neutre, il est fréquemment employé par l’armée russe pour parler des tchétchènes, avec un sens très méprisant. Le terme джигит (djiguite) est aussi employé, signifiant « cavalier hardi » en nogaï, mais je ne saurai vous dire son degré de péjoration. Enfin, les daghestanais, peuple du nord-est du Caucase, sont traités de даги (dagui).

L’Asie centrale

Finissons notre périple soviétique en parlant des peuples d’Asie central et de Sibérie russe. Il y a d’abord le terme plutôt neutre бабай (babaï) qui désigne de façon générique les ressortissants d’Asie centrale.

On a aussi юлдаш (iouldach) qui peut désigner soit les Ouzbeks (🇺🇿) spécifiquement, soit les Asiatiques en général, ainsi que la variante ялдаш (yialdach), tirée des langues turques dans lesquelles ce mot signifie camarade (azéri : јолдаш, tatar : юлдаш). Les deux sont péjoratifs. Et dans la même veine, le mot bachkir pour « abricot séché » se dit өрөк ce qui a donné l’insulte урюк (ouriouk), qui désigne elle aussi les ressortissants d’Asie centrale.

Finissons par le mot колбиты (kalbiti), qui est employé tant pour les Asiatiques des ex-républiques soviétiques que pour ceux de Russie.

Le reste du monde

Vous ne croyiez tout de même pas que nous serions épargnés par les russes ? Sachez qu’ils parlent de la France (🇫🇷) comme étant la Бонжурия (bonjouria), ce qui se passe d’explication. Et, dans une grande inspiration, ils nous surnomment également лягушатник (lyiagouchatnik), ce qui signifie… mangeurs de grenouilles. :D

Les italiens (🇮🇹) sont gratifié de deux surnoms : аллора (allora), tiré du mot italien signifiant « alors » ; l’autre, c’est макаронник (makaronnik), qui est assez transparent. Les allemands (🇩🇪) eux sont traités de saucisses par le terme колбасники (kalbasniki). Un peu tombé en désuétude, le terme бундес (boundès) était employé du temps de l’Union Soviétique pour désigner les allemands de l’ouest. C’est un mot d’argot du marché noir qui existait à l’époque avec les étrangers occidentaux.

Autre peuple grandement apprécié des russes, la Pologne (🇵🇱). Ceux-ci sont surnommés пшек (pchek). Par contre, détail amusant, le mot russe поляки (paliaki), s’il ressemble à l’argot français « polak », est pourtant un mot de russe standard sans aucune connotation péjorative.

Parlons maintenant des plus grands amis des russes, je parle bien sûr des américains (🇺🇸). Pas trop éloigné du terme original, nous avons америкосы (amiérikoci). En dérivant de l’anglais US, nous obtenons юс (ious) ainsi que юсовский (ioussovskii). Enfin, le plus surprenant, пиндос (pindos). Ce mot, d’origine grecque (Πόντος) désignait à l’origine et de façon condescendante les grecs habitant les rives de la Mer Noire. Ce terme a pris son sens actuel après que les casques bleus russes aient surnommé ainsi les américains pendant la guerre de Yougoslavie. Par dérision, les États-Unis sont appelés Пиндостан (Pindostane).

Conclusion

Allez, vengez-vous avez ces deux derniers mots que je vous offre. Ils désignent tous les deux les russes (🇷🇺). Le premier, кацап (katsap) désigne littéralement les Grands-Russes et est utilisé en opposition avec les Petits-Russes, plus connus sous le terme d’ukrainiens. Le deuxième est utilisé en polonais, biélorusse, ukrainien et même parfois en russe : москаль (moskal). Sachez qu’en ukrainien, москалить signifie « arnaquer, escroquer ».

Voilà, c’est la fin de notre plongée dans l’argot russe. À bientôt pour une autre chronique. :)



4 commentaires

Perso j’ai toujours trouvé que le plus drôle dans les langues, c’étaient leurs mots grossiers.

Pour l’anecdote, j’ai donné quelques échantillons à mon ami russophone qui a roulé des yeux en disant : « Mais t’es fou ?! Dis pas ça, tu vas te faire démonter… »

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Perso j’ai toujours trouvé que le plus drôle dans les langues, c’étaient leurs mots grossiers.

Dwayn

Personnellement je trouve que ça dit pas mal de choses sur la culture associée (les insultes étant plus liées à une sous-culture qu’à une langue elle-même, en fait). Ma préférée de toute la planète restant pour l’instant 我咒你生孩子没屁眼, qui signifierait quelque chose comme « Que ta descendance naisse sans anus ! ».

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